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JE LAVE LA TERRE

Tous les matins, je lave la terre
Dans l'évier.
Je brosse, râpe et lime les aspérités,
Je nettoie le sang rouge mêlé d'ocre,
Je lave les cerveaux crasseux ou pâles
Trépanés ou bien défoncés.
Je laisse tremper tous les péchés, à cœur.
Je rince et laisse sécher les âmes épurées.

Tous les matins, je lave la terre
Dans l'évier
Dans les eaux fumantes et grasses
Les peaux se mélangent et déteignent.
Je retire les balles perdues des corps,
Corps étrangers blottis au cœur.
Je lave les vies que la mort entreprend,
Enfants, adultes ou vieillards égorgés.

Tous les matins, je lave la terre
Dans l'évier.
J'essuie les traces de malheurs,
Quelquefois un sourire sur des lèvres
Encore tièdes, rondes et belles,
Une fleur rose cachée dans une main.
Je lave le vomi des peuples torturés,
La cruauté des seigneurs ou des vassaux.

Quand tout est fini, je prends l'éponge
Je rince et je rince, par routine parfois,
Là haut, de peur que la bête ne revienne,
Je lance les scories et les poussières,
Dans les vents qui balayent l'univers
De sifflements, d'éclairs et de lumières

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